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Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/231

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Ce mensonge lui épargnait des effusions qui eussent détruit l’arrangement sentimental qu’il s’était fait, l’illusion sentimentale où il faisait halte un instant. Nangès n’admettait pas les désordres de la passion, et rien n’explique mieux que cet adieu qui n’en était pas un la nature de ses stations amoureuses…

Le soir même, Timothée Nangès prenait le rapide de Paris. Il devait y voir le colonel Seillère.

Pendant le trajet, il n’eut pas une pensée pour Valérie. Comme il était maintenant assuré qu’il pourrait sincèrement donner une larme à son souvenir, lorsqu’il aurait quitté le sol de France, il ne s’inquiétait pas plus de sa maîtresse que si elle n’eût jamais existé. Sa rêverie avait repris déjà cette sorte de gravité élégante, de simple austérité qui lui était familière et en laquelle il se complaisait. Néanmoins l’amour et l’avant-goût de l’action l’imprégnaient d’indulgence, d’optimisme, de confiance gaie. Quand il arriva chez sa vieille mère, le capitaine conta tout net ses espoirs et lui annonça son départ probable avec la fougue d’un sous-lieutenant qui va étrenner son premier sabre. Dans la paisible maison de Passy qu’habitaient