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Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/245

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Les hommes de la pièce de Vincent, une fois le gros de l’ouvrage terminé, lavaient à grande eau leurs faces tannées, quand le capitaine Timothée fit son entrée dans la grange. Un cri de « Fixe », poussé par le brigadier, immobilisa les hommes qui ruisselaient encore, le torse nu. Nangès promena un regard aigu sur l’alignement des selles, des sabres et des bricoles, sur les canonniers et sur le brigadier qui, déjà propre et astiqué, crânait gentiment, le calot sur l’oreille. Mais rien sur sa figure sévère ne décela son contentement.

Car Nangès est un de ces hommes qui savent gagner la confiance par une rigueur absolue, et par l’asservissement total à l’idée militaire. Il s’impose, non par une popularité factice, mais par le respect qu’ordonnent son passé et son âme bien trempée de vieux soldat. Nangès ne pense qu’à la guerre et cette pensée harmonise tous ses actes. Avant tout, il veut faire des soldats de bataille, des soldats de sang et de victoire, rompus à toutes les fatigues et toujours prêts au sacrifice. Il connaît qu’il a dans la main une admirable machine. Mais pour lui, c’est un crime que d’introduire la mollesse et une fade morale dans un orga-