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Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/251

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journée avait été dure, de vieux soldats mal rasés, têtes rondes tondues. Maurice les regardait fixement, de son œil grave qui disait :

— Voilà ceux pourtant qui m’ont tout appris, et de qui je tiens tout.

Son camarade le regardait :

— Allons, bois, petit.

— Moi, je veux partir, répétait, sourd et obstiné, l’enfant soldat.

L’appel sonna. Les deux soldats regagnèrent le cantonnement, et quand le margis eut quitté la grange, ils se couchèrent sur la paille qui grise et qui endort. Mais Maurice ne s’endormit pas. Il rêvait à mille choses, à la manœuvre de la journée, à Nangès, beau comme un dieu, si loin de lui, à la douce Claire, à Voulangis… Un cheval rua sur son bat-flanc, en secouant sa chaîne d’attache… Vincent pensa à Claire, au départ qui viendrait un jour et qui serait si doux et si cruel. Il se dressa. À la lumière du falot, il voyait ses hommes déjà endormis d’un sommeil de pierre. Ces gars puissants, qui avaient encore aux jambes leurs lourdes basanes, reposaient comme des enfants, et leurs souffles égaux donnaient l’idée d’une grande force prête à l’action et à la victoire…