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Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/252

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Maurice sortit de la grange. Tout près, il y avait des champs inondés de clarté lunaire. Debout dans la nuit, il aspirait les souffles tièdes qui venaient du sud. Il se voyait au Tonkin, rampant dans des rochers vers un repaire de pirates, en Guyane sous les sombres lianes du Maroni. Puis il était au Tchad ; une pirogue filait sur l’eau étale encombrée d’herbes pauvres et de fucus. Puis, le casque en bataille, la chemise défaite, il traversait le prestigieux Soudan. Et enfin, au retour, il revoyait le clocher du village. Il épousait Claire Monestier…

Le vent tourna, vint des profondeurs de l’Est. Maurice sentit le froid le pénétrer jusqu’aux os. Il rentra dans la grange, s’enroula dans la couverture de son cheval et s’endormit.

Le lendemain, jour de repos pour les batteries, ce fut dans le village la même confusion et la même gaieté que la veille. On ne savait guère pourquoi l’on était content. Les manœuvres allaient finir. Il faisait beau. On était chez de braves gens. On ne savait pas pourquoi ce contentement. C’était dans l’air. On respirait facilement et l’on mangeait bien, on dormait bien. C’était une joie stupide et qui allait