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Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/270

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qui se dressait là, tout près, et les regardait de ses yeux de bronze…

Avant de monter sur le Sahel, en partance pour le fleuve, Timothée recevait un courrier de France. Il contenait une lettre de Claire Monestier qui recommandait au capitaine son jeune fiancé. La lettre ne contenait pas de fautes d’orthographe. Cela fit plaisir à Nangès. D’ailleurs, le capitaine respirait de loin une âme nette et simple, comme les jambages de cette grande écriture, sérieuse et sans fioritures. Nangès s’amusa longtemps de cet enfantillage. Quelle affaire, pour cette jeune briarde, que le départ de son fiancé ! Tout le monde sait que lorsqu’on part pour ces pays-là, on n’en revient jamais. Nangès la voit, un grand chapeau à la main, les cheveux en désordre, les joues roses avec des gestes d’animal joli, dans une campagne très verte. Elle est, de toute évidence, absolument faite pour le bonheur. « Oui ! mais peut-être pas Maurice, » songe Nangès.

De Saint-Louis à Podor, où s’arrête le Sahel en saison sèche, il y a vingt-huit heures de bateau. Vingt-huit heures à contempler les rives basses du Sénégal, à suivre les méandres