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Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/269

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grande famille, ils se reconnaîtraient tous plus ou moins. Eux se reconnaissaient entre eux, mais ils ne reconnaîtraient pas tous les autres. C’est leur force et leur faiblesse.

Le dernier soir, Nangès n’analysait plus. Il était trop parmi eux pour pouvoir les juger. Il était un des leurs. Il n’avait plus le recul pour les voir. Il était dans le rang et prenait la suite. D’ailleurs, pendant ses dernières heures au Cercle, il était un peu gris, moins des cocktails qu’il avait bus que d’amitié éparse.

À huit heures, il quittait le terrain où s’achevaient les derniers bridges. Sur la place du Gouvernement, l’ombre était fraîche et bleue. Vers les pauvres cases de Guet N’dar, le village maure, un palmier solitaire s’érigeait et se penchait vers l’eau noire du fleuve qui le reflétait encore.

Le soir était de voiles légers, diaphanes, soyeux. Non loin du Cercle, d’élégantes jeunes femmes assises faisaient une couronne et gazouillaient sur un mode aigu. Un jeune homme, en costume tennis, se pencha vers elles. Il tenait à la main une raquette. Mais Nangès aperçut l’image du vieux Faidherbe