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Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/276

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froyable réalité d’une larme de jeune fille. La vie lui apparaissait une affolante précipitation d’événements, où nous sommes les acteurs et les spectateurs, les juges et les parties. Quand Claire releva la tête, Maurice vit ses yeux brillants, son regard voilé qui le fixait.

Que dire, après ce regard plaintif de bête blessée ? Il faudrait expliquer, — et il n’est rien de plus inexplicable que ce que nous faisons. Maurice ne put que caresser la chevelure soyeuse. Il balbutiait des mots maladroits :

— C’est vrai, ma petite Claire, j’ai tort de te quitter. J’aurais dû vivre pour toi, dans ton ombre chère. Mais tu ne sais pas combien je t’aime, moi aussi. Et quand je désirais le plus fort partir, tu ne sais pas combien je t’aimais, — même à ce moment-là. Allons, petite Claire, je reviendrai bientôt. Peut-être seras-tu fière de moi, et nous serons heureux tous les deux.

— Ah ! j’ai peur, Maurice, j’ai peur…

Devant cette belle animalité, devant ce cri, Maurice s’étonna de rester maître de lui. Encore en ce moment suprême, il jugeait sa fiancée. Le sentiment qui le dominait, c’était peut-être qu’il était fier de contempler cette œuvre d’art. Mais, tout bien pesé, il se con-