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Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/30

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sentait, en écoutant ces récits, il voulait le mesurer, savoir ce qu’en valait l’aune. Les imaginations guerrières qu’il se faisait, toutes ces agréables résonances lointaines, il ne les acceptait que sous bénéfice d’inventaire. Il n’était pas de ceux qui consentent bénévolement à cette dualité : que le cœur soit touché sans que la raison le soit. Or, quelle était la situation de Maurice Vincent devant le capitaine Nangès ?

D’abord il s’exaltait. Il retrouvait en lui des ardeurs qu’il croyait éteintes, car ses maîtres lui avaient appris les douces romances de l’humanitarisme. Il frémissait aux grands battements d’ailes de la Gloire ; n’entendait-il pas parler d’une épopée ? Mais aussitôt il se reprenait, s’indignait de ce mouvement du cœur et, en bon élève, maudissait la guerre.

Pour mieux s’expliquer ce petit combat intérieur, il faut rappeler que l’on était au temps du plus grand triomphe des pacifistes. On réprouvait tout emploi de la violence, toute action de la force. Il fallait — dans le monde de Maurice, c’était une obligation — rabaisser l’armée tout entière, et surtout quand elle fait œuvre d’armée, aux colonies. Il fallait