Aller au contenu

Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/31

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

détester les fusils, et surtout quand ils servent à tirer. C’était là en quelque sorte le thème de l’époque, le motif principal, et comme une de ses nécessités sociales. Il y avait des variantes. Les uns — et le père de Maurice était du nombre — maudissaient les soldats et leur drapeau. Les autres rêvaient d’une sorte d’armée qui fût comme un prolongement de l’école laïque, obligatoire et primaire, une œuvre postscolaire, selon le mot en faveur ; enfin, par une contradiction singulière, un instrument même de pacifisme. Mais, très généralement, dans le peuple comme dans la bourgeoisie, on s’accordait à trouver désuètes, indignes de notre temps, les vieilles vertus conquérantes de la race et à désirer un repos qui était celui des consciences honnêtes et apeurées. Quel moyen pour un jeune garçon d’échapper à son siècle et de ne pas professer des sentiments aussi bien portés ? Mais qu’un passant survienne, évoque une campagne lointaine, des herbes où des soldats rampent, le fusil au poing, les cris d’un assaut dans la lumière tremblante d’un beau jour, le vieux fonds reparaît. Ce qui dormait s’éveille, et si le jeune homme a quelque sincérité, tout est remis en question.