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Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/304

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que le doute n’a point effleurés, dont le cœur est resté pur et religieux. Leurs songes sans fin allaient s’insérer dans sa propre vie. Ils accouraient se ranger en lui, s’inscrire en silence, insidieusement.

Il aurait voulu leur crier, à ces Maures : « Moi aussi, chers enfants, j’ai mes prières et j’ai mon Dieu ! » C’était en vain. Aux heures de prières, leur âme était plus haute que la sienne. Elle nageait dans un océan de lumière, la béatitude. La sienne, elle était vide et lâche, désemparée…

Jamais Maurice n’a vu prier comme ces gens prient. Après le dernier prosternement, ils restent un long moment en méditation. Ils se lèvent, on dirait qu’ils vacillent dans la vie. Les yeux restent vagues, agrandis par l’extase. Puis peu à peu, ils reprennent pied. Maurice, qui ne pouvait les suivre dans leur voyage, n’osait plus les regarder. Il avait honte d’être resté sur la terre.

Cette leçon valait bien celle que lui donnait Nangès. C’était la même d’ailleurs, ou plutôt elles étaient conjuguées, elles jouaient entre elles. Elles ne faisaient ensemble qu’un seul mécanisme.