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Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/303

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cordantes. Avant même que d’en faire l’épreuve, il aime l’inextricable confusion du monde.

Mais dans ces marches sahariennes, si nues, si pures, où les lignes, les couleurs ne comptent plus, il se sent l’âme un peu solennelle, et il revient à son enfance. Il ne s’amuse plus, comme hier. Ce n’est plus Cherbourg, ni Paris, ni Marseille, ni Saint-Louis. Aujourd’hui un grand rêve, un peu trouble, l’envahit et l’alanguit. Il repense plutôt à l’abbaye de Jouarre, déserte, mais chargée de pensée, de passé.

Depuis plus de deux ans, il marche dans le silence et le soleil. Les sables nus ondulent à l’infini. Il ne dit rien. Il sent que le grand désert l’ensevelit peu à peu. Déjà, il ne se rappelle plus les heures de France, ni les extases de son enfance. Voici qu’une pensée nouvelle l’occupe :

— Cette terre, se dit-il, aurait le visage même de la mort, si un grand dieu ne l’habitait. Ah ! quand, au crépuscule, les Maures se prosternent vers l’Est, comment ne pas ressentir ce grand souffle divin qui court d’une rive à l’autre du Sahara et fait dans la splendeur des solitudes une invisible présence ?

C’était une folie. Mais il enviait ces gens