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Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/309

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nos Français recoupaient la trace d’une colonne de quatre-vingts chameaux environ, passée deux jours avant et se dirigeant vers le sud… Plus loin, les traces d’un troupeau sans bergers, des chameaux égarés… Près de Zemmour, un camp levé en hâte… À Zemmour enfin les nouvelles se précisèrent. Les nomades installés au puits n’avaient point entendu parler de Sernonne depuis deux jours. Mais des voyageurs venant du sud avaient rencontré deux hommes qui fuyaient vers Idjil. Enfin un jeune Maure vint au camp. Il annonça la nouvelle : rien de vivant ne restait plus du détachement de Sernonne. Le chef, les tirailleurs, les partisans, tous avaient péri sous le nombre écrasant des dissidents.

— Pauvre Sernonne ! se dit Nangès. À quelles fins obscures sert sa mort ? Et qui saura l’utilité de ce sang-là ?

Pourtant, dans sa grande peine, une consolation lui venait. Car il croyait que le sang des martyrs de l’Afrique était utile. Sa conviction était que rien n’est perdu dans le monde, que tout se reporte et se retrouve au total ; ainsi tous les actes sublimes des héros formaient pour lui une sorte de capital com-