Aller au contenu

Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/320

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cette affreuse misère d’un jour. Mais tant que vous aurez cet aiguillon, vous serez plus grands que nous n’étions.

Timoléon d’Arc s’arrêta. Il semblait se ramasser dans le passé :

— Je me rappelle, et vous savez comme le comte de Vigny l’a bien dit : nous ne pensions qu’à cette grande ombre qui nous dominait. Au lieu que vous, vous attendez quelqu’un… Oh ! l’affreux moment ! Vous ne pouvez savoir combien nos garnisons furent mornes après l’Empire ! J’étais entré dans l’armée sans grande vocation, par tradition de famille. Qu’y serais-je devenu, si je n’avais rencontré le capitaine de Vigny ? Je le suivis dans sa tour d’ivoire. Et vous savez que cette tour était encore bien plus belle qu’une tour d’ivoire, puisque c’était le donjon de Vincennes. De là, il me montra les grandes lignes, pures et nettes, de l’édifice où j’étais entré par surprise.

Timoléon d’Arc s’assit, accablé. Il semblait attendre que son jeune camarade lui apportât quelques lumières sur les garnisons de la République. Nangès prit la parole :

— Ce que l’armée a été pour vous, Monsieur, elle l’est aujourd’hui pour beaucoup de