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Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/319

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gentiment fait tuer. C’est la plus grosse faute que je pouvais commettre !… Je promène avec moi un enfant charmant et audacieux. S’il part aussi, je suis presque un homme taré !

— Qu’importe ? fit Timoléon. Vous connaissez des joies qui nous étaient défendues. L’âme de la France vit encore, puisque je la cherche, fantôme errant, et que je la trouve, et que, derrière tous ces sables, je l’entends qui murmure et qui palpite. Vous connaissez, vous autres, des grandeurs nouvelles. Vous avez dans le cœur la haine, c’est ce qui nous manquait. Nous ne l’avions pas comme vous. Depuis quarante ans que vous avez goûté l’affreux poison de la défaite, quoi que vous fassiez, il reste au fond de vous-mêmes la rage impuissante, l’amère tristesse, une soif inassouvie. Vous vous trompez vous-mêmes en venant ici. Mais c’est cela que vous avez toujours au-dedans de vous. Heureux temps que celui où les cœurs ont de tels mobiles !… Oui, c’est bien cela que vous cherchez ici : une saveur qui vous trompe, une mortelle ivresse qui crée l’oubli. Cette petite tache de sang, qui est restée là, sur la main… Tous les parfums de l’Arabie… Toutes les grandeurs n’effaceront pas