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Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/324

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un cœur de soldat. On craindrait une défaillance, tant la splendeur de l’heure est unique, si notre héros ne savait enregistrer et classer ses émotions avec une incroyable rapidité.

Avec le jour, l’action commence. Nangès envoie vingt hommes sur la droite, avec la mission de longer le bord supérieur de la pente et de prévenir de ce côté une fuite de l’ennemi, — en avant, dix limiers chargés de lever le gibier et de le débusquer de ses tranchées, — tous ces ordres donnés à voix basse.

Maurice descend la pente. La joie lui ferait mal. Il faut qu’il coure. Six jours de poursuite incertaine, d’alternatives de doute et d’espoir, de traces suivies et abandonnées, d’ivresses, de hauts et de bas, aboutissent là. La fatalité a enfin parlé.

Tandis que Nangès attend assis sur un rocher, il entend une vive fusillade. Maurice et l’avant-garde sont aux prises avec les gens de la montagne, arc-boutés aux mille rocs dont le désordre les dérobe presque à l’étreinte. L’officier s’élance, se retrouve en arrière de la ligne, laissant courir ses chiens qui mordent et qui aboient. Autour de lui, les balles font un bourdonnement modulé, — parce qu’elles passent