Aller au contenu

Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/88

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

commença-t-elle pas — selon une expression adorable — à « causer littérature ». Nangès trouva le procédé du plus mauvais goût et la manière indélicate :

— Peuh ! les livres !… dit-il avec dédain.

Mais elle, d’une voix de soprano :

— Vous êtes un barbare, mon cher Tim, un vrai barbare…

Timothée soupire et sourit, indifférent et fatigué… Enfin le temps passait, sans qu’aucun des deux sût comment, mais, en somme, il passait. Quant à Servat, quant à Maurice Vincent, quant au cousin Grandier, ils étaient pour le moment très loin de sa pensée. Nangès n’aimait pas à s’appesantir, et s’il n’oubliait rien, il avait une faculté merveilleuse de reléguer aux arrière-plans de sa conscience les impressions qui l’avaient touché un moment.

Nangès avait des moments de tristesse. Ils venaient de cette sorte de reprise amoureuse qui l’occupait. Bien qu’il ne fût pas enchaîné à l’amour, il sentait un lien trop fort déjà, et presque comme une déchéance. Si toute habitude nous ôte un peu de liberté, l’habitude amoureuse nous l’ôte vite tout entière. Asservissement qui avait toujours paru détestable à