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Page:Psichari - L'Appel des armes (1919).djvu/97

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ceau, la terre de Mérovée, de Glodion, des rois fainéants dans leurs chariots à bœufs, ce vieux fief, l’harmonieux pays où il semblait reprendre racine, sentant sa force décuplée par les millions de forces ancestrales qui vivaient encore là, ces ruisseaux aimables qui lui disaient des choses fraternelles, ces jardins, la route nationale avec ses deux rangées d’arbres en plumeaux, les petites maisons emplies de bonheur simple, — tout cela lui avait composé une émotion si intense qu’elle avait presque effacé ses douleurs particulières.

En ce temps-là, Sébastien Vincent, le père de Maurice, n’était pas encore le sophiste violent qu’il est devenu depuis. C’était un bon compagnon de chasse, marcheur inlassable et bon fusil. Sa cervelle s’emplissait des lieux communs de l’époque, mais c’était appris et maladroitement répété. Il était de ces âmes tièdes qui manquent de chaleur et de mystère. Maurice avait, à ce moment-là, dix ans. Déjà il suivait les chasseurs dans leurs fatigantes battues. Timothée aimait ce bambin. Ne s’était-il pas mis en tête de lui faire commencer l’escrime, alors qu’on était presque encore forcé de le moucher ? Petit être charmant et