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Page:Régnier - L’Amphisbène, 1912.djvu/110

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Mme Bruvannes, n’a rien de réellement inquiétant. Antoine est quelque chose de plus qu’un malade, c’est un homme trompé par lui-même. Lui qui, depuis l’âge où il a échappé aux soins excessifs de Mme Bruvannes, n’avait jamais pris garde à sa santé, lui qui n’avait jamais pensé à ménager ses forces, il éprouve un mélange de surprise, de colère et de honte à voir cette santé lui manquer soudain et ses forces le trahir subitement. Au fond, il souffre d’une déception d’amour-propre. Il se trouve en état de faillite physique. De là, un retour vers les souvenirs de ses années d’enfance, vers l’époque où il était intact pour la vie, et, de là, la véritable haine qu’il manifeste pour tout ce qui lui rappelle les abus qu’il a faits de lui-même. Rien de ce qui l’occupait si exclusivement, hier encore, ne semble plus l’intéresser. C’est en lui une sorte de rétrogradation de tout l’être, et, s’il a désiré ma présence, c’est qu’elle est liée, pour lui, moins à sa vie d’homme qu’à son passé d’adolescent.


16 février. — J’ai longuement causé d’Antoine avec Mme Bruvannes. Ses observations concordent assez exactement avec les miennes. Nous avons parlé d’abord de la situation médicale d’Antoine. Tullier répond de le guérir de la crise de neurasthénie dont il souffre et dans laquelle le moral est plus atteint que le physique. Mme Bruvannes s’est