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Page:Régnier - L’Amphisbène, 1912.djvu/286

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çonnerie. Le jeune Subagny était pauvre et employé dans les bureaux de la ville de Paris. Mlle Lebléru n’était pas laide et elle était fort riche ; aussi, M. Subagny accepta-t-il l’aubaine qui s’offrait à lui. À partir de ce moment, M. Subagny n’eut plus d’autre occupation que celle de se laisser admirer. Mlle Lebléru, en l’épousant, réalisait son rêve de beauté masculine, mais ce rêve, elle entendait bien le rendre aussi durable que possible. Aussi M. Subagny fut-il astreint à un régime incessant et sévère, à des soins minutieux et quotidiens sous la surveillance impitoyable de l’attentive et amoureuse Mme Subagny.

Si Mme Subagny faisait assez bon marché de sa figure et de sa taille à elle, elle imposait à son mari les pratiques d’hygiène et d’esthétique les plus minutieuses. Tout, dans la vie de M. Subagny, était subordonné à une seule obligation, celle d’être et de rester beau. Cette beauté physique de M. Subagny, Mme Subagny l’épie d’heure en heure et, depuis quarante ans avec un inlassable intérêt depuis quarante ans, M. Subagny se soumet, docilement, aux exigences de sa situation. Il en a pris son parti et même il y a pris goût. Il accomplit strictement les prescriptions qui lui sont imposées. Il surveille sa nourriture, exerce ses muscles, soigne sa peau et ses cheveux d’après les recettes qu’il a recueillies auprès des spécialistes. Il les a tous consultés et de l’ensemble de leurs ordonnances, il s’est fait un code qu’il observe sans faiblesse et sans défaillances. D’ail-