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Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/228

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Enfin le pont-levis s’abaissa. Le cortège sortit. En avant, des hommes d’armes, vêtus de buffles, soutenaient, de leurs longues lances entrecroisées, des corbeilles de fleurs. Venaient ensuite, en bon ordre, une multitude de valets et de pages passementés, des tireurs d’arc, des frondeurs et des hallebardiers et, par groupes, des virtuoses. Les premiers soufflaient en des cornets bizarres et tors. Leurs joues se gonflaient et leur corpulence nourrissait leurs mines rubicondes ; quelques-uns, agiles et maigres, heurtaient, en cadence, des cymbales de cuivre, le reste jouait d’instruments délicats, en marchant à petits pas, l’air attentif et les yeux baissés. Ces derniers précédaient une litière vide portée sur l’épaule par des mulâtres et suivie, à cheval, par le Sire du lieu, en jaquette de soie blanche brodée de perles ovales sur qui descendait sa barbe argentée. Derrière lui une troupe de piquiers et d’arquebusiers et, à la queue, le service : la cave, la cuisine et l’écurie, prolongeait le cortège.

La petite chaumière devant laquelle toute cette pompe s’arrêta dormait, porte close. On entendait les moutons bêler doucement