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Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/277

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parut, et j’écoutai en mon souvenir la voix singulière qui semblait unir en son ambiguïté un rire et un hennissement...


*


Le centaure marchait tranquillement dans l’allée. Je me rangeai pour le laisser passer : il passa en s’ébrouant. Dans le crépuscule, je distinguai sa croupe pommelée de cheval et son torse d’homme ; sa tête barbue portait une couronne de lierre à grains rouges ; il tenait à la main un thyrse noueux terminé par une pomme de pin ; le bruit de son amble s’étouffa dans l’herbe haute ; il se retourna et disparut. Je le revis une fois encore qui buvait à une vasque ; des gouttelettes d’eau emperlaient son crin roux, et, ce jour-là, vers le soir, je rencontrai aussi un faune : ses jambes de poil jaune étaient croisées ; ses petites cornes pointaient à son front bas ; il restait assis sur le socle de la statue tombée l’hiver, et, avec un bruit sec, il heurtait l’un contre l’autre ses sabots de bouc.

Je vis aussi des nymphes, qui habitaient les fontaines et les bassins. Elles sortaient de l’eau leurs bustes bleuâtres et s’y replongeaient à