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Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/278

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mon approche ; quelques-unes jouaient sur le bord avec des algues et des poissons. On voyait sur le marbre la trace de leurs pieds humides.

Peu à peu, comme si la présence du centaure eût ranimé l’antique peuple fabuleux, le parc s’était furtivement rempli d’êtres singuliers. D’abord par méfiance, ils se cachaient à ma vue. Les faunes s’esquivaient prestement, et je ne trouvais à leur place foulée que leurs flûtes de roseaux, avec des fruits mordus et un rayon de miel entamé. L’eau des bassins recouvrait vite les épaules des nymphes, et je ne les devinais plus qu’aux remous de leurs plongeons et à leurs chevelures surnageantes parmi les herbes. Elles me regardaient venir, leurs petites mains au-dessus des yeux pour mieux voir, leur peau déjà sèche et leurs longs cheveux encore ruisselants.

Les autres s’enhardirent aussi : ils tournaient autour de moi ou me suivaient de loin ; un matin même, je trouvai un satyre couché sur une marche de la terrasse ; des abeilles bourdonnaient sur sa peau velue ; il paraissait énorme et feignait de dormir, car à mon passage, il