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Page:Régnier - Les Médailles d’argile, 1903.djvu/162

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les médailles d’argile

L’AMOUR


J’ai vu, ce soir, l’Amour. Et le fouet à la main,
Debout, il châtiait, farouche et flagellé,
Pris au mors, le cheval pour les Muses ailé
Qui frappait l’herbe en fleurs de son sabot divin

Le monstre hennissait et se cabrait en vain,
Tout rose d’une écume où du sang fut mêlé ;
Et la nuit était bleue et le ciel étoilé.
Et l’Amour torturait la bête au noble crin.

Je lui criai : Va-t’en, Pégase ! prends ton vol,
Bondis et rue et romps l’entrave et le licol ;
L’Enfant ne suivra pas ton essor. Monte et fuis !

Mais l’Amour, souriant toujours, de ses mains fraîches,
Me montra, qui saignaient encore de ses flèches,
Les doubles ailes d'ombre ouvertes dans la Nuit.