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Page:Rabelais marty-laveaux 02.djvu/111

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chapitre xx

Adoncques Nazdecabre eleua en l’aër la main dextre toute ouuerte, puys miſt le poulce d’icelle iusques à la premiere articulation entre la tierce ioincture du maiſtre doigt & du doigt medical, les reſſerrant aſſez fort au tour du poulce : le reſte des ioinctures d’iceulx retirant on poing, & droictz extendent les doigtz Indice & Petit. La main ainſi compoſée poſa ſus le nombril de Panurge mouuent continuellement le poulce ſuſdict, & appuyant icelle main ſus les doigtz Petit & Indice, comme ſus deux iambes. Ainſi montoit d’icelle main ſucceſſiuement à trauers le ventre, le ſtomach, la poictrine, & le coul de Panurge : puys au menton, & dedans la bouche luy miſt le ſuſdict poulce branſlant : puys luy en frota le nez, & montant oultre aux œilz faignoit les luy couloir creuer auecques le poulce. A tant Panurge ſe faſcha, & taſchoit ſe defaire & retirer du Mut. Mais Nazdecabre continuoit luy touchant auecques celuy poulce branſlant, maintenant les œilz, maintenant le front, & les limittes de ſon bonnet. En fin Panurge s’eſcria, diſant. Par Dieu, maiſtre fol, vous ſerez battu ſi ne me laiſſez, ſi plus me faſchez, vous aurez de ma main vn Masque ſus voſtre paillard viſaige. Il eſt (diſt lors frere Ian) ſourd. Il n’entend ce que tu luy diz, couillon. Faictz luy en ſigne vne greſle de coups de poing ſus le mourre. Que Diable (diſt Panurge) veult prætendre ce maiſtre Alliboron ? Il m’a presque poché les œilz au beurre noir. Par Dieu, da iurandi[1], ie vous feſtoiray d’vn banquet de Nazardes, entrelardé de doubles Chinquenaudes. Puys le laiſſa luy faiſant la petarrade. Le Mut voyant Panurge demarcher, guaingna le dauant, l’arreſta par force, & luy feiſt tel ſigne. Il baiſſa le braz dextre vers le genoil tant que pouoit

  1. Da iurandi. Voyez ci-dessus, p. 167, la note sur la l. 30 de la p. 231.*