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Page:Rabelais marty-laveaux 02.djvu/27

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chapitre i

des royaulmes conuient en paix, amitié, debonnaireté guarder & regir, ſans ſes mains ſouiller de ſang & pillerie. Qui aultrement faict, non ſeulement perdera l’acquis, mais auſſi patira ce ſcandale & opprobre, qu’on le eſtimera mal & à tort auoir acquis : par ceſte conſequence, que l’acqueſt luy eſt entre mains expiré. Car les choſes mal acquiſes, mal deperiſſent[1]. Et ores qu’il euſt toute ſa vie pacificque iouiſſance, ſi toutesfoys l’acqueſt deperit en ſes hoirs, pareil ſera le ſcandale ſus le defunct, & ſa memoire en malediction, comme le conquerant inique. Car vous dictez en prouerbe commun : Des choſes mal acquiſes le tiers hoir ne iouira[2].

Notez auſſi, Goutteux fieffez, en ceſtuy article, comment par ce moyen Pantagruel feit d’vn ange deux, qui eſt accident oppoſite au conſeil de Charles Maigne, lequel feiſt d’vn diable deux, quand il tranſporta les Saxons en Flandre, & les Flamens en Saxe. Car non pouant en ſubiection contenir les Saxons par luy adioincts à l’empire : que à tous momens n’entraſſent en rebellion, ſi par cas eſtoit diſtraict en Heſpaigne, ou autres terres loingtaines : les tranſporta en pays ſien, & obeiſſant naturellement, ſçauoir eſt Flandres : & les Hannuiers & Flamens ſes naturels ſubiectz tranſporta en Saxe, non doubtant de leur feaulté, encores qu’ilz tranſmigraſſent en regions eſtranges. Mais aduint que les Saxons continuerent en leur rebellion & obſtination premiere : & les Flamens habitans en Saxe, embeurent les meurs & contradictions des Saxons.


  1. Les choſes mal acquiſes, mal deperiſſent. « Ut est apud poetam nescio quem : male parta male dilabuntur. » (Cicéron, Philippiques, II, 27.)
  2. Le tiers hoir ne iouira. De male quæsitis non gaudet tertius hæres.