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Page:Rabelais marty-laveaux 02.djvu/326

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le qvart livre

ne portoit que le pied droict, & ſoulier entortillé. Villon voyant aduenu ce qu’il auoit pourpenſé, diſt à ſes Diables. Vous iourrez bien, meſſieurs les Diables, vous iourrez bien, ie vous aſſie. O que vous iourrez bien. Ie deſpite la diablerie de Saulmur[1], de Doué, de Mommorillon, de Langés, de ſainct Eſpain, de Angiers : voire, par Dieu, de Poictiers auecques leur parlouoire, en cas qu’ilz puiſſent eſtre à vous parragonnez. O que vous iourrez bien.

Ainſi (diſt Baſché) preuoy ie mes bons amys, que vous dorenauant iouerez bien ceſte tragicque farce : veu que à la premiere monſtre & eſſay, par vous a eſté Chiquanous tant diſertement daubbé, tappé, & chatouillé. Præſentement ie double à vous tous vos guaiges. Vous mamie (diſoit il à ſa femme) faictez vos honneurs, comme vouldrez. Vous avez en vos mains & conſerue tous mes theſaurs. Quant eſt de moy, premierement ie boy à vous tous mes bons amys. Or ça, il eſt bon & frays. Secondement vous maiſtre d’hoſtel, prenez ce baſſin d’argent. Ie le vous donne. Vous eſcuiers prenez ces deux couppes d’argent doré. Vos pages de troys moys ne ſoient fouettez. M’amye donnez leurs mes beaulx plumailz blancs auecques les pampillettes d’or. Meſſire Oudart ie vous donne ce flaccon d’argent : ceſtuy aultre ie donne aux cuiſiniers : aux varletz de chambre ie donne ceſte corbeille d’argent : aux palefreniers ie donne ceſte naſſelle d’argent doré : aux portiers ie donne ces deux aſſiettes : aux muletiers, ces dix happeſouppes. Trudon prenez toutes ces cuillères d’argent, & ce drageoir : Vous lacquois prenez ceſte grande ſalliere. Seruez moy bien amys, ie le recongnoiſtray : croyans fermement que i’aymerois mieulx, par la vertus Dieu, endurer en guerre

  1. La diablerie de Saulmur, de Doué. Voyez ci-dessus, p. 226, la note sur la l. 2 de la p. 27,* et, p. 227, la note sur la l. 28 de la p. 28.}
    * La paſſion de Saulmur. Cette représentation de la Passion a eu lieu en 1534. Jean Bouchet, l’ami de Rabelais, donne à ce sujet de curieux

    détails, dans son Epiſtre LXXXIX. Voyez Histoire du théâtre en France : les mystères, par L. Petit de Julleville, t. II, p. 125-127. — Ailleurs (t. II, p. 318), Rabelais cite avec éloge « la diablerie de Saulmur. »

    * Ieuz de Doué. Cette « diablerie » de Doué, petite ville de Maine-et-Loire, à vingt kilomètres de Saumur, faisait partie d’une représentation de la Passion. « Plus hideux & villains que les Diableteaux de la paſſion de Doué, » dit Rabelais dans le Quart livre. (t. II, p. 454)