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Page:Rabelais marty-laveaux 02.djvu/399

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chapitre xxxiiii

eſtoit ſans comparaiſon plus admirable. Car auecques ſes horribles piles, & dards (les quelz proprement reſſembloient aux groſſes poultres ſus les quelles ſont les pons de Nantes, Saulmur, Bergerac, & à Paris les pons au Change & aux Meuſniers ſouſtenuz, en longueur, groſſeur, poiſanteur & ferrure) de mil pas loing il ouuroit les huytres en eſcalle ſans toucher les bords : il eſmouchoit vne bougie ſans l’extaindre : frappoit les Pies par l’œil : deſſemeloit les bottes ſans les endommaiger : deſſourroit les barbutes ſans rien guaſter : tournoit les feuilletz du breuiaire de frere Ian l’vn apres l’aultre ſans rien deſſirer. Auecques telz dards, des quelz eſtoit grande munition dedans ſa nauf, au premier coup il enferra le Phyſetere ſus le front de mode qu’il luy tranſperça les deux maſchouoires & la langue, ſi que plus ne ouurit la gueule, plus ne puyſa, plus ne iecta eau. Au ſecond coup il luy creua l’œil droict : Au troizieme l’œil guauſche. Et feut veu le Phyſetere en grande iubilation de tous porter ces troys cornes au front quelque peu panchantes dauant, en figure triangulaire æquilaterale : & tournoyer d’vn couſté & d’aultre, chancellant & fouruoyant, comme eſtourdy, aueigle, & prochain de mort. De ce non content luy en darda vn aultre ſus la queue panchant pareillement en arriere. Puys troys aultres ſus l’eſchine en ligne perpendiculaire[BD 1], par eſquale diſtance de queue & bac troys foys iuſtement compartie. En fin luy en lança ſus les flancs cinquante d’vn couſté, & cinquante de l’aultre. De maniere que le corps du Phyſetere ſembloit à la quille d’vn guallion à troys gabies emmortaiſees par competente dimenſion de ſes poultres, comme ſi feuſſent coſſes & porte hauſbancs de la carine. Et eſtoit choſe moult plaiſante à veoir.

  1. Line perpendiculaire. les architectes diſent tombante à plomb. droictement pendente