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Page:Rabelais marty-laveaux 02.djvu/421

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Comment Pantagruel rompit les Andouilles aux
genoulx.[1]


Chapitre XLI.


Tant approcherent ces Andouilles que Pantagruel apperceut comment elles deſployoient leurs braz, & ia commençoient beſſer boys. Adoncques enuoye Gymnaſte entendre qu’elles vouloient dire, & ſus quelle querelle elles vouloient ſans defiance guerroyer contre leurs amis antiques, qui rien n’auoient mesfaict ne meſdict. Gymnaſte au dauant des premieres fillieres feiſt vne grande & profonde reuerence, & s’eſcria tant qu’il peut diſant. Voſtres, voſtres, voſtres ſommes nous treſtous, & à commandement. Tous tenons de Mardigras, voſtre antique confœderé. Aulcuns depuys me ont raconté, qu’il diſt Gradimars[2] non Mardigras. Quoy que ſoit, à ce mot vn gros Ceruelat ſauluaige & farfelu anticipant dauant le front de leur bataillon le voulut ſaiſir à la guorge. Par Dieu (diſt Gymnaſte) tu n’y entreras qu’à taillons : ainſi entier ne pourrois tu. Si ſacque ſon eſpee Baiſe mon cul (ainſi la nommoit il)[3] à deux mains, &

  1. Rompit les Andouilles aux genoulx. Il y a ici une sorte de jeu de mots, car rompre l’anguilleau genou, sur le genou, était une locution proverbiale pour désigner une chose impossible : « Les Dieux ont permis la mort de voſtre frere. Ils ont conſerué mon pere, ils veulent vous fruſtrer de vos entrepriſes & fauoriſer aux ſiennes, & vous voulez rompre l’anguille au genoil. » (Amadis, t. VIII, c. 53)
  2. Gradimars. — Dimar, au lieu de mardi, est la forme méridionale.
  3. Son eſpee Baiſe mon cul (ainſi la nommait il) à deux mains. Ce coq-à-l’âne n’est pas de Rabelais. Il se trouve déjà dans les Propos ruſtiques de Du Fail (t. I, p. 98) publiés dès 1547 : « Voyla (diſoit il) la leuce du bouclier de l’eſpee ſeule, & de l’eſpee baiſe mon cul à deux mains. »