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Comment Pantagruel deteſte les debteurs
& emprunteurs.


Chapitre V.


I’entends (reſpondit Pantagruel) & me ſemblez bon topicqueur & affecté à voſtre cauſe. Mais preſchez & patrocinez d’icy à la Pentecoſte[1], en fin vous ſerez eſbahy, comment rien ne me aurez perſuadé, & par voſtre beau parler, ia ne me ferez entrer en debtes. Rien (dict le ſainct Enuoyé[2]) à perſonne en doibuez, fors amour & dilection mutuelle.

Vous me vſez icy de belles graphides & diatypoſes, & me plaiſent treſbien : mais ie vous diz, que ſi figurez vn affronteur efronté, & importun emprunteur entrant de nouueau en vne ville ia aduertie de ſes meurs, vous trouuerez que à ſon entrée plus ſeront les citoyens en effroy & trepidation, que ſi la Peſte y entroit en habillement tel que la trouua le Philoſophe Tyanien[3] dedans Epheſe. Et ſuys d’opinion que ne erroient les Perſes, eſtimans le ſecond vice eſtre mentir : le premier eſtre debuoir. Car debtes & menſonges ſont ordinairement enſemble ralliez. Ie ne veulx pourtant inferer, que iamais ne

  1. Preſchez & patrocinez d’icy à la Pentecoſte.

    Preſchez, patrocinez iusqu’à la Pentecoſte,
    Vous ſerez ébahy, quand vous ſerez au bout,
    Que vous ne m’aurez rien perſuadé du tout.

  2. Le ſainct Enuoyé. Voyez saint Paul, Épître aux Romains, 13.
  3. Le Philoſophe Tyanien. Voyez Philostrate, Vie d’Apollonius de Tyanes, liv. IV, c. 3. Le costume de peste, qu’on ne se représente guère, était un travestissement en usage au XVIIe siècle, comme l’indiquent des vers de P. Corneille adressés à une dame qui le portait. Voyez Poésies diverses, LIV, Stances :

    J’ai vu la peſte en raccourci.