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Page:Rabelais marty-laveaux 02.djvu/44

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le tiers livre

faille debuoir, iamais ne faille preſter. Il n’eſt ſi riche qui quelques foys ne doibue. Il n’eſt ſi paouure, de qui quelques foys on ne puiſſe emprunter. L’ocaſion ſera telle que la dict Platon en ſes loix[1], quand il ordonne qu’on ne laiſſe chez ſoy les voyſins puiſer eau, ſi premierement ilz n’auoient en leurs propres paſtifz fouſſoyé & beché iusques à trouuer celle eſpece de terre qu’on nomme Ceramite (c’eſt terre à potier) & là n’euſſent rencontré ſource ou degout d’eaux. Car icelle terre par ſa ſubſtance qui eſt graſſe, forte, lize, & denſe, retient l’humidité, & n’en eſt facilement fait eſcours ne exhalation. Ainſi eſt ce grande vergouigne, touiſours, en tous lieux, d’vn chaſcun emprunter, plus touſt que trauailler & guaingner. Lors ſeulement deburoit on (ſelon mon iugement) preſter, quand la perſonne trauaillant n’a peu par ſon labeur faire guain : ou quand elle eſt ſoubdainement tombée en perte inopinée de ſes biens. Pourtant laiſſons ce propos, & dorenauant ne vous atachez à crediteurs : du paſſé ie vous deliure.

Le moins de mon plus (diſt Panurge) en ceſtuy article ſera vous remercier : & ſi les remerciemens doibuent eſtre meſurez par l’affection des biensfaicteurs, ce ſera infiniment, ſempiternellement : car l’amour que de voſtre grace me portez, eſt hors le dez d’eſtimation, il tranſcende tout poix, tout nombre, toute meſure, il eſt infiny, ſempiternel. Mais le meſurant au qualibre des biensfaictz, & contentement des recepuans, ce ſera aſſez laſchement. Vous me faictez des biens beaucoup, & trop plus que m’appartient, plus que n’ay enuers vous deſeruy, plus que ne requeroient mes merites, force eſt que le confeſſe : mais non mie tant que penſez en ceſtuy article. Ce n’eſt là que me deult, ce n’eſt là que me cuiſt &

  1. Platon en ſes loix. Voyez liv. VIII.