Aller au contenu

Page:Rabelais marty-laveaux 02.djvu/479

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
471
chapitre lvii

ouye. Il eſt eſcript. Il eſt vray. Ie l’ay veu. Ie vous certifie que au mandement de meſſere Gaſter tout le Ciel tremble, toute la Terre branſle. Son mandement eſt nommé faire le fault, ſans delay, ou mourir.

Le pilot nous racontoit comment vn iour à l’exemple des membres conſpirans contre le Ventre, ainſi que deſcript Æſope, tout le Royaulme des Somates[BD 1] contre luy conſpira & coniura ſoy ſoubſtraire de ſon obeiſſance. Mais bien touſt s’en ſentit, s’en repentit, & retourna en ſon ſeruice en toute humilité. Aultrement tous de male famine periſſoient. En quelques compaignies qu’il ſoit, diſcepter ne fault de ſuperiorité & præference, touſiours va dauant : y feuſſent Roys, empereurs, voire certes le Pape. Et au concile de Baſle, le premier alla, quoy qu’on vous die que ledict concile feut ſedicieux, à cauſe des contentions & ambitions des lieux premiers. Pour le ſeruir tout le monde eſt empeſché, tout le monde labeure. Auſſi pour recompenſe il faict ce bien au monde, qu’il luy inuente toutes ars, toutes machines, tous meſtiers, tous engins, & ſubtilitez. Meſmes es animans brutaulx il apprent ars deſniees de Nature. Les Corbeaulx, les Gays, les Papeguays, les Eſtourneaux, il rend poëtes : Les Pies il faict poëtrides[1] : & leur aprent languaige humain proferer, parler, chanter. Et tout pour la trippe.

Les Aigles, Gerfaulx, Faulcons, Sacres, Laniers, Auſtours, Eſparuiers, Emerillons, oizeaux aguars, peregrins, eſſors, rapineux, ſauluaiges il domeſticque & appriuoiſe, de telle façon que abandonnans en plène liberté du Ciel quand bon luy ſemble, tant hault qu’il vouldra, tant que luy plaiſt, les

  1. Somates. corps, membres
  1. Il faict poëtrides.

    Quod si dolosi spes refulserit nummi,
    Cervos poetas et poetrias picas
    Cantare credas pegaseium nielos.

    (Perse, Prologue, v. 12)