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Page:Rabelais marty-laveaux 02.djvu/484

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De la ridicule ſtatue appelle Manduce[1] : & comment,
& quelles choſes ſacrifient les Gaſtrolatres
à leur Dieu Ventripotent.


Chapitre LIX.


Novs conſyderans le minoys & les geſtes des poiltrons magnigoules Gaſtrolaſtres, comme tous eſtonnez, ouyſmes vn ſon de campane notable, auquel tous ſe rangerent comme en bataille, chaſcun par ſon office, degré, & antiquité. Ainſi vindrent deuers meſſere Gaſter, ſuyuans vn gras, ieune, puiſſant Ventru, lequel ſus vn long baſton bien doré portoit vne ſtatue de boys mal taillée & lourdement paincte, telle que la deſcriuent Plaute, Iuuenal, & Pomp. Feſtus. A Lion au carneual on l’appelle Maſchecroutte : ilz la nommoient Manduce. C’eſtoit vne effigie monſtrueuſe, ridicule, hydeuſe, & terrible aux petitz enfans : ayant les œilz plus grands que le ventre[2], & la teſte plus groſſe que tout le reſte du corps, auecques amples, larges, & horrificques maſchoueres bien endentelees tant au deſſus comme au deſſoubs : les quelles auecques l’engin d’vne petite chorde cachee dedans le baſton doré l’on faiſoit l’vne contre l’aultre terrificquement clicquetter, comme à Metz l’on faict du Dragon de ſainct Clemens.

  1. Manduce. Sur Manduce, appelé à Lyon maſchecroutte, ainsi qu’il est dit plus bas, voyez à la Table des noms l’article maſchecroutte, où se trouvent la reproduction de la note de l’alphabet de l’auteur et les passages de Plaute et de Juvénal auxquels Rabelais renvoie. Quant à celui de Pomp. Festus (liv. XI), le voici : « Manducus, effigies, in pompa antiquorum inter ceteras ridiculas formidolosasque ire solebat, magnis malis, ac late dehiscens, et ingentem dentibus sonitum faciens. »
  2. Ayant les œilz plus grands que le ventre. Allusion au vieux proverbe « avoir les yeux plus grands que la panse, » qu’on applique aux gourmands qui, en voyant un bon repas, espèrent manger plus que leur estomac ne peut contenir.