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Page:Rabelais marty-laveaux 02.djvu/49

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Comment Panurge auoit la puſſe en l’aureille,
& deſiſta porter ſa magnificque braguette.


Chapitre VII.


Av lendemain Panurge ſe feit perſer l’aureille dextre[1] à la Iudaicque, & y attacha vn petit anneau d’or à ouuraige de tauchie, on caſton duquel eſtoit vne puſſe enchaſſée. Et eſtoit la puſſe noire, affin que rien ne doubtez. C’eſt belle choſe, eſtre en tout cas bien informé. La deſpence de laquelle raportée à ſon bureau ne montoit par quartier gueres plus que le mariage d’vne Tigreſſe Hircanicque, comme vous pourriez dire 600000. maluedis. De tant exceſſiue deſpence ſe faſcha lors qu’il feut quitte, & depuis la nourrit en la faczon des tyrans & aduocatz, de la ſueur et du ſang de ſes ſubiectz. Print quatre aulnes de bureau : s’en acouſtra comme d’vne robbe longue à ſimple couſture : deſiſta porter le hault de ſes chauſſes : & attacha des lunettes à ſon bonnet. En tel eſtat ſe præſenta dauant Pantagruel : lequel trouua le deſguiſement eſtrange, meſmement ne voyant plus la belle & magnificque braguette, en laquelle il ſouloit comme en l’ancre ſacre conſtituer ſon dernier refuge contre tous naufraiges d’aduerſité.

  1. L’aureille dextre. La mode de porter un anneau à l’une des deux oreilles est constatée par ces vers de Mellin de Saint-Gelais, cités par Le Duchat :

    Ne tenez point, eſtrangers, à merueille,
    Qu’en ceſte cour chaſcun maintenant porte
    Bague ou anneau en l’vne ou l’autre oreille.