Aller au contenu

Page:Rabelais marty-laveaux 03.djvu/194

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
186
appendice

& non moins à moy, eternellement en aide. Or ça, de par Dieu. Iamais rien ne faiſons, que ſon treſſacré nom ne ſoit premierement loué.

Vous me donnez. Quoy ? Vn beau & ample breuiaire[1]. Vraybis ie vous en remercie : Ce ſera le moins de mon plus. Quel breuiaire fuſt, certes ne penſoys, voyant les reigletz, la roſe, les fermailz, la relieure, & la couuerture : en laquelle ie n’ay omis à conſiderer les Crocs & les Pies, peintes au deſſus, & ſemées en moult belle ordonnance. Par lesquelles (comme ſi fuſſent lettres hieroglyphicques) vous dictes facilement, qu’il n’eſt ouuraige que de maiſtres, & couraige que de crocqueurs de pies. Crocquer pie ſignifie certaine ioyeuſeté par metaphore extraicte du prodige qui aduint en Bretaigne[2] peu de temps auant la bataille donnée près ſainct Aubin du Cormier. Noz peres le nous ont expoſé c’eſt raiſon que noz ſucceſſeurs ne l’ignorent. Ce fut l’an de la bonne vinée : on donnoit la quarte de bon vin & friand pour vne aiguillette borgne.

Des contrées de leuant aduola grand nombre de Gays d’vn courte, grand nomble de Pies de l’autre : tirans tous vers le Ponant. Et ſe couſtoyoient en tel ordre, que ſus le ſoir les Gays faiſoyent leur retraite à gauche (entendez icy l’heur de l’augure) & les pies à dextre : aſſés pres les vns des autres. Par quelque region qu’ils paſſaſſent, ne demouroit Pie, qui ne ſe raliaſt aux Pies : ne Gay, qui ne ſe ioingniſt au camp des Gays. Tant allerent, tant volerent, qu’ilz paſſerent ſus Angiers ville de France, limitrophe de Bretaigne, en nombre tant multiplié, que par leur vol, ilz tolliſſoient la clarté du Soleil aux terres ſubiacentes. En Angiers eſtoit pour lors vn vieux oncle, Seigneur de Sainct George,

  1. Breuiaire. Probablement un bréviaire du genre de ceux dont Rabelais nous a déjà parlé. Voyez ci-dessus, p. 77, note sur la l. 15 de la p. 21.*

    *

  2. Prodige qui aduint en Bretaigne. « Nos historiens remarquent que ce combat de geais & de pies arriva en 1488, peu de jours avant la bataille de Saint-Aubin, de laquelle il fut comme le présage. » (Le Duchat) Il est du reste souvent question, dans nos anciens auteurs, de combats de ce genre.