Page:Rachilde - Madame Adonis, 1929.djvu/132

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Si maman Bartau, jadis, s’était laissée torturer pour le plaisir d’être plus sûre de son sexe, elle, Louise, ne doutait pas du sien, et elle aurait bien des bébés tout comme la première provinciale venue. Elle avait eu une crise de larmes et de rire dans les bras de son mari, lui jurant qu’elle l’aimait follement, mais qu’elle avait peur de ce médecin… une peur atroce.

— Puisque tu es jaloux à propos de rien, à ta place, je serais jaloux de lui ! dit-elle en se blotissant contre Louis, comme elle savait se blottir quand elle désirait l’attendrir.

— Un vieillard ! C’est une injure qui ne l’atteint pas, Louise, avait déclaré le jeune homme, fronçant les sourcils.

— Ne me gronde plus, petit chat, ne me gronde plus, je serai bien obéissante… dès que je serai habituée à cette idée. Ah ! tu ne m’aimes pas comme tu m’aimais il y a quelque temps. Tu m’embrasses en restant tout distrait. Que me reproches-tu, Louis ?

— J’ai des ennuis d’affaires, voilà tout, et tu deviens coquette… Tu t’es arrangé un chapeau, tu as garni ton corsage avec des galons de jais. Dans notre position et avec la charge de ton père, ce n’est pas de mise, ma chère.

Le grand cheval de combat, c’était être ou n’être pas de mise, chez maman Bartau. Une fleur que l’on se posait au creux de la gorge, une dentelle que l’on cousait autour de ses manches, des petits souliers découverts avec une rosette, une boucle, des bas à jour, tous ces détails pervertissants n’étaient pas de mise. Trop embrasser son mari, affecter une joie désordonnée, sauter à pieds joints, s’amuser à caresser le chat jaune, n’étaient pas de mise.