Page:Rachilde - Madame Adonis, 1929.djvu/166

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vous n’êtes pas si tendre ?… Aviez-vous donc eu des amourettes sérieuses avant votre mariage, de ces amourettes qu’on oublie difficilement ?

— Je n’ai même pas eu de maîtresse, madame…

— Adorable bambin ! et comment donc vous y êtes-vous pris la nuit de vos noces ?

— Oh ! madame ! je savais ce que c’était qu’une femme, j’étais rentré souvent très tard, chez ma mère…

— Idéal ! voilà une belle éducation, ma foi !

Louis regrettait la légèreté de cet entretien. D’abord elle l’avait remercié d’un envoi de copeaux qu’il lui avait fait gratis parce qu’il lui avait entendu dire qu’elle adorait des grandes flammes claires par ce temps de décembre. Et puis, de fil en aiguille, il avait avoué un secret chagrin, des ennuis d’intérieur, des tracas domestiques et elle lui avait appris que non seulement ses copeaux brûlaient à merveille, mais encore que le premier péché d’adultère avait été commis par un homme vertueux. Mon Dieu ! l’étrange créature !…

— Votre petite Louise, dit-elle, est timide, froide. Elle ne sait pas vous charmer. Voyons, mon cher enfant, je suis d’âge, à tout comprendre, je pense !

Et elle jouait, du bout de son pied mince, nerveux comme un pied de chèvre, avec un joli chaton angora étendu devant le feu.

— Vous désirez que je vous fasse une confidence, soupira-t-il, et vous vous moquerez de moi… Eh bien, au contraire, Louise m’aime beaucoup, elle me fait peur. Une fois, j’ai failli devenir paresseux, tellement elle m’avait ensorcelé dans ses deux bras… pourtant, s’aimer