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Page:Radcliffe Chastenay - Les Mysteres d Udolphe T4.djvu/78

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du génie, les peintures les plus vives lui paroissoient froides et sombres. Pendant qu’elle tenoit son livre, elle s’écria involontairement : Sont-ce donc-là ces passages que je lisois avec délices ? Où donc en existoit le charme ? Étoit-ce dans mon esprit ou dans celui du poète ? C’étoit dans tous les deux, dit-elle après un instant de silence ; mais le feu du poète est inutile si l’esprit de son lecteur n’est pas monté au ton du sien, quelqu’inférieur que d’ailleurs il lui soit.

Emilie auroit volontiers suivi des réflexions qui pouvoient au moins la distraire ; mais elle apprit encore que la pensée n’est pas toujours guidée même par la volonté, et la sienne revint à la considération de ses malheurs.

Sur le soir, craignant de se hasarder aux remparts où elle se trouveroit exposée aux regards des associés de Montoni, elle se promena, pour prendre l’air, dans la galerie qui menoit à sa chambre. En arrivant au bout, elle entendit de loin de longs éclats de rire et de gaîté. C’étoient des transports de débauche, et non les élans modérés d’une joie douce et honnête. Ils sembloient venir du côté que Montoni habitoit ordinairement. Un tel bruit, à ce moment, lorsque sa tante étoit à peine expirée, la choqua extrê-