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Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/33

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valeur à la fois conventionnelle et constante des pièces frappées, ce qui serait doublement inexact.

Évidemment et par la force des choses les Romains prenaient bien, en un certain sens, la monnaie pour une marchandise, malgré leur refus de confondre jamais la merx avec le pretium : mais ce n’est point une preuve que cette marchandise là n’eût pas un pouvoir légal en simples monnaies de compte, et j’avoue que leur soin d’imposer le cours forcé de cette monnaie laisserait supposer qu’elle n’était point toujours loyale[1]. À ce titre donc, il se peut que les formules législatives du Bas-Empire marquent un progrès dans la voie de la probité[2].

Quant à la constance présumée de la valeur monétaire, d’autres textes encore que celui de Paul peuvent nous y faire croire. Il est entendu — on le sait — que le débiteur par mutuum, étant engagé re, ne peut jamais avoir à rendre, à raison de ce contrat, plus qu’il n’a reçu. Or, s’il a reçu vingt mesures de blé, il peut être tenu d’en rendre vingt et une, parce que vingt et une peuvent être le simple équivalent de vingt, à cause des variations que l’a valeur du blé aurait subies dans l’intervalle. Cependant cette différence de quantité ou de nombre était interdite si le mutuum était un prêt d’argent[3]. De ce contraste entre le mutuum d’espèces et le mutuum de denrées, faut-il conclure que les Romains tenaient la valeur de la monnaie pour rigoureusement invariable, à la différence de ce qui avait lieu pour les autres choses fongibles ? Ou bien faut-il tout simplement en conclure que les changements de cette valeur leur paraissaient trop insensibles et trop lents pour

  1. « Lege Cornelia testamentaria tenetur qui… vultu principum signatam monetam, praeter adulterinam, reprobaverit » (Paul, Sentences, V, xxv, § 1).
  2. Valentinien impose le cours des anciennes monnaies « modo ut debiti ponderis sint et speciei probae » (C, XI, x, De veteris numismatis potestate, I. 1).
  3. C, IV, xxxii, De usuris, 11. 12 et 23. Il est à remarquer que cette interprétation est déjà ancienne et coïncide presque avec l’époque classique de la jurisprudence romaine.