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Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/148

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que Montaigne a raison contre Epictète d’insulter à notre faiblesse, et qu’Epictète a raison contre Montaigne d’exalter notre dignité ; puis il aurait abordé l’Evangile, qui seul, dès les premières pages, en établissant notre double nature, reconnaît à la fois et notre faiblesse et notre dignité. Selon d’autres, sans s’arrêter à tant de doctrines opposées, il aurait aussitôt couru à la doctrine chrétienne, sauf à en faire précéder l’exposition de l’histoire merveilleuse de la théocratie juive. Telle n’est pas l’opinion de M. Astié.

Oui, s’écrie-t-il, c’est bien ainsi que raisonnent les apologètes ordinaires, mais Pascal nous a appris à tenir un autre langage… Saint Paul a déjà protesté contre ceux qui, de la circonstance que le judaïsme avait précédé historiquement le christianisme, concluaient qu’il fallait passer par celui-là pour arriver à celui-ci ; et Pascal, en marchant sur les traces de l’apôtre des gentils, nous a indiqué un moyen d’arriver au but sans faire ce long détour. L’idée fondamentale de l’apologie de Pascal est de montrer aux hommes que le christianisme correspond à tous leurs besoins moraux, et qu’ils doivent devenir chrétiens sous peine de rester des êtres misérables et incompréhensibles. Il aurait donc été infidèle à sa méthode en mêlant tout à coup les preuves historiques aux considérations morales. Ces arguments auraient été d’autant plus inopportuns, qu’ils seraient venus se jeter au travers au moment où Pascal allait recueillir les fruits de l’étude profonde à laquelle il venait de se livrer. Il s’est rendu compte des besoins de l’homme, il nous a révélé nous-mêmes à nous-mêmes : nous avons appris de lui que nous sommes à la fois grands