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Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/172

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n’ai qu’à fermer Pascal : pour moi, son raisonnement a fléchi. Si, au contraire, je ne suis pas au nombre des enfants gâtés de la fortune, si surtout j’ai le malheur d’être naturellement morose, mélancolique, atrabilaire, hypocondre : alors Pascal sera mon homme, pour moi, son raisonnement demeure ; pour moi, il n’a rien perdu de sa force. Ainsi la force ou la faiblesse de l’apologie de Pascal est une affaire de tempérament. Est-ce là du scepticisme, oui ou non ?

M. Astié ne s’est pas mépris sur le sens des paroles de M. Sainte-Beuve ; mais il trouve moyen de les faire tourner à l’avantage de Pascal.

On ne saurait, à notre sens, dit-il, faire un plus magnifique éloge des Pensées, car c’est dire que leur sort est indissolublement lié à celui du christianisme sur la terre. En effet, l’argumentation de Pascal n’aura fléchi que le jour où l’humanité, dépouillée de tout reste du sentiment du péché, aura, en s’arrachant la conscience, renoncé à l’organe qui seul lui permet d’apercevoir la vérité morale et religieuse. Mais ce jour-là les Pensées et le christianisme n’auraient pas seuls vieilli : l’idéal, la poésie, la moralité auraient aussi fait leur temps, et il est permis de croire que l’humanité n’aurait plus à compter de longs jours. Fort heureusement le christianisme ne nous permet pas d’être pessimistes à ce point-là.[1]

D’autre part, M. Astié pense que Pascal resta à plusieurs égards homme de son temps, et qu’il ne se dégagea pas d’une manière complète des préjugés

  1. Préface p. 24-25.