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Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/171

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taire. L’évêque d’Hippone analyse-t-il avec plus de sagacité les phénomènes de là grâce ? Il est des moments où l'habile critique, telle est sa puissance d’assimilation, semble en ressentir directement les effets merveilleux ; il est des moments où il a presque de l’onction ! Mais bientôt survient une page semblable à celle que nous venons de citer. Encore est-elle si bien calculée que les bonnes gens pourraient s’y tromper. M. Sainte-Beuve ne se prononce pas ; il n’affirme rien. Il se borne à supposer un temps, temps heureux, où cette terre d’exil, déjà riante et commode, le serait devenue au point d’enlever tout motif aux tristesses de Pascal. Ce temps arrivera-t-il ? M. Sainte-Beuve nous laisse le soin d’y réfléchir :

La manière de juger, — dit-il avec un air d’innocence qu’il sait prendre à merveille, — dépend beaucoup ici de la manière de sentir.

Assurément, voilà une réponse qui semble peu compromettante, et pourtant cette simple réflexion renverse de fond en comble toute l’œuvre de Pascal. C’est le coup de griffe si adroitement ménagé qu’il passe presque inaperçu, et si profond qu’il est mortel. Et quoi ! la manière de juger dépend ici de la manière de sentir ! C’est-à-dire que si les jouissances de la vie viennent en foule heurter à ma porte, que si j’ai d’ailleurs un caractère assez heureux pour porter gaîment le fardeau de l’existence, alors je