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Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/231

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chances de succès, l’élève trop au-dessus de la critique du dix-septième siècle pour que les flèches de Pascal atteignent jusqu’à elle. L’étude comparative des religions marque une ère nouvelle dans l’histoire de la critique.

On sait quelle révolution a produite la méthode comparative appliquée aux recherches littéraires. Combien d’idées étroites et fausses n’a-t-elle pas renversées sans retour. Si, par exemple, il y a deux siècles, au moment où écrivait Pascal, quelque littérateur eût révoqué en doute l’existence d’Homère, les plaisants en auraient fait leur plastron. Lisez Fénelon : le candide archevêque de Cambrai, lui qui a senti le charme d’Homère mieux que tous les écrivains de ce temps, s’empare de l’Iliade pour prouver l’existence de Dieu. Le raisonnement est simple : de même que l’Iliade ne peut pas se concevoir sans Homère, le monde ne se conçoit pas sans Dieu. C’est avoir la main malheureuse. De nos jours il n’est pas un helléniste sérieux qui n’ait des doutes sur Homère. L’Iliade n’est plus mise à côté de l’Enéide, ce vaste poème composé à loisir par un auteur qui, dans le silence du cabinet, ne s’inspire que de son sujet et de son génie. On l’admire comme le plus parfait des produits de la poésie spontanée des peuples primitifs, comme le couronnement d’une longue tradition poétique, comme l’œuvre collective de plusieurs générations de bardes, qui n’étaient eux--