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Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/236

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en reconnaître du même coup la déchéance, il échappe à toute la suite de l’argumentation. Les coups du grand athlète ne portent plus. Comment admettre une rédemption, avant que la nécessité en soit démontrée ? Comment admettre la divinité du réparateur, avant qu’on ait compris l’urgence d’une si haute intervention.

Cependant le chapitre où Pascal traite de Jésus-Christ nous frappe et nous émeut. Jadis on n’y voyait guère que de mystiques rêveries ; aujourd’hui on est revenu de ce jugement, et ce chapitre, un des plus incomplets, est un de ceux qui gagnent à Pascal le plus de sympathies. Je ne parle pas seulement du magnifique morceau où Jésus-Christ apparaît sur le plus haut degré de l’échelle des grandeurs, paré de sa seule sainteté, je parle aussi de ces pages où Pascal, agenouillé au pied de la croix, contemple son Sauveur et son Dieu souffrant et mourant pour lui. Les consolations surabondent dans ce cœur où abondaient les souffrances : l’adoration, la reconnaissance, l’amour en débordent de tous côtés, et il s’en échappe des paroles dont l’ineffable ferveur, dont l’onction pénétrante n’ont jamais été égalées. C’est la tendresse des cœurs forts :

Jésus est seul dans la terre, non seulement qui ressente et partage sa peine, mais qui la sache. Le ciel est lui sont seuls dans cette connaissance.

Jésus est dans un jardin, non de délices, comme le premier Adam, où il se perdit et tout le genre humain ;