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Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/286

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gloire la plus assurée est peut-être d’avoir fait souffrir ses semblables plus qu’aucun autre homme de ce temps.

M. Renan est l’auteur d’une Vie de Jésus, Beaucoup de Vies de Jésus, écrites dans un esprit semblable, l’avaient précédée. La sienne a eu le privilège de pénétrer partout et d’appeler à la réflexion critique non-seulement les hommes d’étude, mais les plus humbles lecteurs. Elle a eu le succès, un succès immense, orageux, irrésistible. Pourquoi cette faveur exceptionnelle ? Le moment était-il mieux choisi ? Le talent de l’auteur a-t-il été plus grand ? De quelque façon qu’on l’explique, il y a toujours dans une si prodigieuse fortune de quoi étonner et confondre l’analyse. Certes, une vie de Jésus écrite par M. Renan ne pouvait manquer de produire une grande sensation ; mais de là à dépasser en popularité les romans les plus heureux, la distance est considérable, et il semble qu’une puissance inconnue ait présidé à la fortune de ce livre. Ce n’est plus un livre, c’est un événement. Le nom de son auteur est un nom prédestiné, et on ne le prononce pas sans un secret mouvement intérieur. Cet homme a un signe. Pour les uns c’est le libérateur attendu ; pour les autres le châtiment que le ciel nous devait. Dès à présent, il n’y a pour lui de jugement possible que celui de l’avenir, et jusqu’à ce que l’expérience de plus d’une génération ait prouvé si c’est pour notre bien ou