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Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/336

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esprit : « Il n’a manqué à Molière, dit La Bruyère, que d’éviter le jargon et le barbarisme. » Fénelon en juge de même, avec une nuance de plus dans la sévérité. Mais pendant que nos maîtres nous parlent avec regret des farces et du jargon de Molière, nous lisons ce poète lui-même, et pour peu que l’édition soit accompagnée de notes, il y a toute chance que nous y trouvions les critiques des délicats retournées en louanges. Il est tel commentateur, M. Aimé-Martin, par exemple, qui ne fait autre chose que de nous donner de scène en scène la menue monnaie de l’éloge que J.-B. Rousseau faisait de Molière :

Quelque parfaites que soient les tragédies de Racine et les bonnes pièces du grand Corneille, je ne voudrais pas assurer qu’ils eussent rempli toute l’idée qu’on peut avoir de la tragédie, et qu’il n’y eût pas quelque autre route à suivre plus sûre que celle qu’ils ont suivie ; au lieu que Molière, presque sans autre guide que son génie, a trouvé la seule voie qui puisse conduire à la perfection du théâtre comique, et n’a laissé à ses successeurs que le choix de suivre ses traces ou de s’égarer en cherchant des chemins différents du sien.

Il y a donc, en France, deux traditions bien distinctes sur Molière. Les uns voudraient l’expurger ; les autres s’écrient avec Diderot : « Si l’on croit qu’il y ait beaucoup plus d’hommes capables de faire Pourceaugnac que le Misanthrope, on se trompe. »

Cependant, malgré les discussions engagées entre