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Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/369

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transformée. Dès lors les progrès furent rapides, et bientôt M. Villemain se vit devancé par de nombreux disciples. La rhétorique céda le pas à l’histoire, et les études littéraires devinrent des études de mœurs. Aujourd’hui, les principaux critiques français, ceux qui donnent le ton ou qui le donnaient il y a peu de temps encore, les Sainte-Beuve, les Renan, les Taine, les Schérer, sont tous des historiens. Il est même arrivé aux deux derniers, de parler de la critique comme si elle ne devait et ne pouvait être qu’histoire. Esprits vigoureux et systématiques, ils nous ont donné le programme de l’école.

« Que faire dans cet embarras ? » disions-nous après n’avoir trouvé qu’incertitude dans les impressions du goût et dans les spéculations de l’esthétique ? — « Rien, nous répondent les représentants les plus autorisés de l’école historique, sinon renoncer à la recherche d’un principe qui n’existe pas et d’une boussole qu’on n’a point encore inventée. Vos philosophes sont d’habiles comédiens qui abusent le monde, ou des innocents qui s’abusent eux-mêmes. Ils ont beau se draper dans leur objectivité magistrale ; ils ont leurs préférences comme le premier venu, et ils n’appliquent jamais que la règle de leurs préférences. Schlegel se fait une théorie d’après Aristophane, qu’il aime, et au nom de cette théorie il condamne Molière, qu’il n’aime pas. Hegel en fait à peu près autant, avec plus d’esprit et de profon-