Aller au contenu

Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/50

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pied, et qu’il dit qu’il foule ton Dieu, n’aurais-tu point horreur d’avoir assujetti la majesté de Dieu à tel opprobre ? — Alors il dit : Je ne fais nul doute que ce banc et ce buffet et tout ce qu’on pourra montrer ne soit la substance de Dieu. — De rechef, quand il lui fut objecté que donc à son compte le diable serait substantiellement Dieu, en riant il répondit bien hardiment : En doutez-vous ? Quant à moi, je tiens ceci pour une maxime générale, que toutes choses sont une partie et portion de Dieu, et que toute nature est son esprit substantiel.

La discussion porta encore sur d’autres questions à nos yeux moins importantes, mais qui ne l’étaient pas aux yeux de Calvin. Servet avait publié avec des notes la géographie de Ptolémée, et l’une de ces notes exprimait sur la fertilité de la Palestine des doutes que Calvin regardait comme injurieux pour Moïse. Interrogé sur ce point, Servet répondit que cette note n’était pas de lui ; mais qu’elle ne contenait rien de répréhensible. Calvin indigné démontra à grands renforts d’arguments qu’un doute semblable était un grand outrage du Saint-Esprit ; mais Servet ne parut pas convaincu : « Ce vilain chien, dit Calvin, étant ainsi abattu par si vives raisons, ne fit que torcher son museau en disant : « Passons outre ; il n’y a point là de mal ».

Cette séance orageuse nuisit à Servet. L’audace de ses opinions ébranla plusieurs juges qui auraient penché pour l’indulgence. Il leur parut clair que ce n’était pas Calvin seulement, mais le christianisme