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Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/52

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blasphèmes, et il foudroyait comme un crime tout sentiment de pitié pour un si grand criminel.

Pendant ce temps Servet adressait d’humbles requêtes au conseil. Il demandait en première ligne qu’on le libérât de toute accusation criminelle, attendu que c’était une invention entièrement inconnue des apôtres et de l’Église primitive, d’intenter une action semblable sur des questions de foi et de doctrine ; en seconde ligne il demandait un avocat connaissant les lois et la procédure du pays. À cette requête, le procureur-général qui peut-être ici n’est autre que Calvin lui-même, opposa un véhément réquisitoire, démontrant que rien n’est plus légitime que de poursuivre en justice et de brûler les hérétiques, et que si Servet contestait ce droit, c’était que sa conscience le condamnait. Quand à la demande d’un avocat, le ministère public s’exprimait ainsi :

Item, vu qu’il sait tant bien mentir, n’y a raison à ce qu’il demande un procureur ; car qui est celui qui lui pût ou voulût assister en telles imprudentes menteries et horribles propos. Joint aussi qu’il est défendu par le droit et ne fut jamais vu, que tels séducteurs parlassent par conseil et interposition de procureur. Et davantage n’y a un seul grain d’apparence d’innocence qui requière un procureur. Par quoi doit sur-le-champ être débouté de telle requête tant inepte et impertinente.

Il en fut effectivement débouté. La cause fut poursuivie avec plus de vivacité que jamais, et Servet n’eut pas d’avocat.