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Page:Ratel - Isabelle Comtat, Le Raisin vert, 1935.djvu/46

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LE RAISIN VERT

pétillant d’une tendre moquerie. Je suis allé me rouler dans le charbon ?

Peu à peu, ses traits reprenaient leur place et leur expression habituelle d’humour et d’attention réfléchie.

— Là, grommela Isabelle, le voici revenu. Tous les jours, on me le défait, celui-là.

Laurent marqua, d’un petit saut, son plaisir d’être rentré dans leur univers particulier. Et tous deux s’en furent chercher les filles à la pension Rémusat, par les rues désertes, noires et ruisselantes, longées de murs qui enserraient des parcs, des jardins, des tennis, tout cela englouti dans l’obscurité et la pluie.

Un lampadaire à gaz éclairait brutalement le pavillon de garde de la pension Rémusat, une aire de gravier blême, un massif de fusains vernis par l’averse. Plus loin, dans l’ombre, on devinait la masse des bâtiments disparates qui constituaient la pension, accolés au joli hôtel Louis XVI, jadis demeure particulière de quelque riche famille, où logeaient aujourd’hui les directrices. Le préau de récréation donnait sur le jardin de derrière, mais le tumulte aigu qui s’en échappait perçait les murs et l’espace.

— Écoute-moi ces filles, si ça piaille, dit Laurent, avec un sombre mépris.

— Et vous autres, répondit Isabelle en riant, croyez-vous que c’est plus joli à entendre, vos hurlements ?

Laurent secoua la tête :

— Ce n’est pas plus joli, mais c’est moins bête.

— Tu n’es qu’un Arabe, dit Isabelle. Où ai-je pris ce garçon-là ?

Le Corbiau les attendait sagement, assise sur la banquette de moleskine, dans une petite antichambre pavée de mosaïque blanche et noire, qui faisait communiquer les classes, le vestiaire des externes et l’escalier qui conduisait au dortoir et aux chambres