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Page:Ratel - La Maison des Bories.pdf/230

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LA MAISON DES BORIES

bien les enfants, » et il ne pouvait pas en inventer pour leur faire plaisir, que diable ! Mais il répondit à leurs questions avec une patience dont il ne se serait jamais cru capable, tant il était satisfait de penser qu’Isabelle était hors de danger et que, d’ici une semaine ou deux, la vie désorganisée par son absence reprendrait son cours.

Le soir, il descendit un peu plus tôt que d’habitude, pour voir si les enfants ne faisaient pas trop endêver Mlle Estienne. Mais non, ils étaient très convenables paraît-il, même Laurent, probablement parce que sa mère n’était pas là pour excuser ses sottises.

— Oncle Amédée, demanda le Corbiau d’un petit air bizarre, avez-vous un moment avant le dîner ? Oui ? Alors, attendez, s’il vous plaît.

Elle disparut et revint avec l’échiquier.

— Voulez-vous essayer encore une fois de m’apprendre à jouer aux échecs ?

Il n’avait pas gardé trop bon souvenir de la première expérience, mais elle levait sur lui un regard tellement rempli d’anxiété et d’espoir qu’il en fut frappé et s’étonna en lui-même, une fois de plus, de la passion que ces petits êtres apportaient à des choses futiles.

— Allons, si tu veux. Mais tâche de faire attention, cette fois.

Elle sourit et disposa ses pièces correctement, toute seule. Tiens ! elle avait de la mémoire.

— On fait manœuvrer les pièces, pour voir ?

— Faisons manœuvrer les pièces. Tu te souviens de ce que je t’avais dit ?

— Je vais essayer. Poussez vos pièces et ne me dites rien.

Il poussa ses pions en avant, puis les pièces, souriant, sceptique, attendant le « bafouillage ». Mais elle ne « bafouillait » pas. Assurément, elle ne savait pas encore jouer aux échecs, ce qui s’appelle jouer. Peut-